Bolduc: une rétro avec du neuf

Le centre Expression, à Saint-Hyacinthe, lui offre son premier bilan. La rétrospective Mes châteaux d’air / Monts et merveilles n’est toutefois pas une rétro comme une autre. Montée par Geneviève Goyer-Ouimette, ancienne conservatrice au Musée national des beaux-arts du Québec, l’expo réunit des oeuvres créées depuis 1997 (installations, dessins, vidéo, vingt-six numéros en tout). La commissaire et l’artiste, qui ont travaillé en étroite collaboration, ont fait le pari de faire du neuf avec du vieux puisque les oeuvres sont présentées pour la plupart dans des versions nouvelles.
Au coeur de cette reconstitution, de cette appropriation très introvertie, six installations ont été fusionnées, cimentées par du beau bois (des «armoires IKEA»). Les très illusoires Un château en Espagne (2002) ou Je t’aimais en secret (2008), oeuvres fabriquées avec un jeu de cartes ou des laines d’acier, ont peut-être perdu leur autonomie, mais leur force d’impact demeure intacte. Ainsi réunies, elles forment un véritable tout, un nouveau complexe labyrinthique cohérent avec la pratique de Catherine Bolduc.
Le spectaculaire et l’illusion, auxquels Bolduc fait régulièrement appel, instaurent un monde de rêve. Ce sont d’étranges atmosphères qui sont mises en scène, comme dans la vidéo My Life without Gravity (2007-08), où l’artiste semble prise dans les nuages, ou dans Carrousel (2001), un collage de souvenirs idéalisés, de pensées magiques, composé de perles de plastique et de chaînes de scies mécaniques.
Derrière l’apparente innocence des images de Bolduc et de ses structures-jouets, il y a un côté plus tordu. L’Île déserte (2006), composition en cire, en chocolat et en perles (oui, de plastique), exprime une certaine angoisse. C’est une utopie dans laquelle se projette l’artiste pour éviter tous ces maux qu’elle énumère dans un texte accompagnant l’oeuvre. Finis l’échec, la dépression, le syndrome prémenstruel. «Sur l’île déserte, écrit-elle, les désirs sont satisfaits, la quête de bonheur est résolue, l’allégresse fait loi.»
Réalisme merveilleux
L’exposition Mes châteaux d’air (traduction littérale du «Luftschlöer» allemand pour évoquer le «réalisme merveilleux») se conjugue à la première personne. Mais ça aussi, ce n’est qu’apparence. L’expérience personnelle peut éveiller des souvenirs propres à chacun, dit-on, devant les oeuvres d’art quelles qu’elles soient. Encore plus devant celles de Bolduc, qui interpellent fortement l’émotion de chacun.
Le choix de la commissaire de jouer ce «je» ajoute à la confusion, volontaire, dont profite cette exposition. Le texte d’introduction, inspiré à Geneviève Goyer-Ouimette de ses conversations avec l’artiste, ainsi que le livret offert aux visiteurs parlent de sensations et d’expériences personnelles. L’idée, ici, n’est pas tant de consacrer une fois de plus la figure de l’artiste que de ressusciter des oeuvres passées en les transformant pour en valoriser davantage le souvenir. C’est l’expérience qui compte.
Dans une des meilleures oeuvres de Catherine Bolduc, hélas grande absente de cette rétro (Le Jeu chinois, 2005), l’immersion dans un monde de mirages (et de miroirs) faisait de la subjectivité, de notre subjectivité, la pièce maîtresse. Dans cette boîte fermée, d’abord présentée à la galerie de l’UQAM, puis à Québec, on pouvait être seul ou accompagné, mais l’objet à voir n’était jamais le même. L’artiste a déjà dit de cette oeuvre que c’est davantage la fantasmagorie derrière le jeu chinois que le jeu lui-même qui en était l’inspiration.
Par son travail, Catherine Bolduc ne lance pas une énième diatribe contre le monde matérialiste dans lequel on vit. Elle donne plutôt aux objets, aussi banals soient-ils, la valeur sentimentale que l’époque du virtuel et du m’as-tu-vu leur fait de plus en plus perdre.
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Mes châteaux d’air / Monts et merveilles
Catherine Bolduc
Expression, centre d’exposition de Saint-Hyacinthe
495, avenue Saint-Simon Ouest, Saint-Hyacinthe
Jusqu’au 16 août