Catherine Bolduc – Danielle Sauvé – Louise Viger
La langue des ombres / The tongue of shadows
Commissaire / Curator: Gilles Daigneault
21 janvier – 20 février 2010
January 21 – February 20, 2010
Samedi le 23 janvier 2010, 15h-18h
Saturday, January 23, 2010, 3-6 pm
COMMUNIQUÉ
Source: Galerie Joyce Yahouda
372, rue Sainte-Catherine Ouest, # 516
Montréal, QC, H3B 1A2, Canada
T: (514) 875-2323
La langue des ombres
(prise deux)
A priori, il s’agit d’une belle aventure : trois sculpteures québécoises (Catherine Bolduc, Danielle Sauvé et Louise Viger) se choisissent mutuellement pour présenter une exposition dans deux villes ; l’une, Montréal, où elles sont connues avantageusement, l’autre — où réside l’une d’elles — où elles ont envie de se faire connaître.
Bien sûr, il y a des risques, mais ils sont calculés. Les trois artistes sont également brillantes. Elles appartiennent à des générations différentes, mais l’ensemble de leur travail dénote autant de maturité que de fraîcheur. Elles sont résolument multidisciplinaires. Elles recourent aux matériaux les plus divers et parfois les plus inattendus, qu’elles choisissent tant pour leurs effets proprement sensuels que poétiques. En même temps, elles ont les pieds bien sur terre et elles ne craignent pas de partir des matières premières les plus quotidiennes, quitte à les faire décoller grâce à des technologies également modestes le plus souvent, pour en extraire un langage articulé selon des modes inédits.
Ainsi en va-t-il de cette «langue des ombres», un intitulé qui évoque plusieurs des enjeux de l’aventure individuelle des sculpteures : l’ambiguïté et l’opacité, le déplacement et le dépaysement, l’effet miroir et la fragilité, la nuit et l’enfermement, le silence, l’interprétation et… la sculpture, entre autres ; mais aussi des avenues plus lumineuses : notamment l’équilibre, la magie, la transfiguration, toute une constellation de sens, à cause même de la justesse et d’une certaine élégance des installations.
Au moment d’écrire ces lignes, les trois œuvres sont encore partiellement en gestation. Il reste quelques décisions à prendre avant que ne s’articulent efficacement les syntagmes trilingues de Danielle Sauvé et leurs supports en forme d’abris, le grave manteau de Louise Viger et son ombre improbable, les sages penderies de Catherine Bolduc et leur désordre intérieur. Et comme les artistes ont aussi la réputation — la qualité ! — d’être imprévisibles, on ne peut jurer de rien. D’autant plus que les trois propositions doivent aussi cohabiter en bonne intelligence, tout en s’adaptant à la configuration de l’espace qui les accueille.
Une belle aventure, décidément.
Vérification faite, l’idée de Danielle Sauvé était heureuse. Certes, l’espace de la galerie GASP était capricieux, mais les sculpteures en avaient vu d’autres. Les œuvres y étaient installées avec justesse, de façon à ce qu’elles donnent individuellement leur pleine mesure, tout en s’épaulant de diverses manières dans leur commune évocation de cette «langue des ombres» qu’affectionnent les trois artistes.
Hiver 2010, Galerie Joyce Yahouda, Montréal. La présentation à Montréal de La langue des ombres faisait partie de la proposition initiale des artistes, et la directrice de la Galerie Joyce Yahouda a accepté d’emblée de recevoir cette exposition «à risques». Il faut dire que, dans ce rayon, la maison en avait vu d’autres au cours des dernières années. Les œuvres n’allaient donc pas se sentir dépaysées…
Cela dit, la réexposition de l’art contemporain, c’est bien connu, est presque toujours une nouvelle aventure pour les œuvres. Au moment d’écrire ces lignes (encore une fois), on peut présumer que le volume magique en forme d’armoire IKEA de Catherine Bolduc, plus seul et moins à l’étroit qu’à Boston, constituera un nocturne encore plus énigmatique, plus kafkaïen ; que les «lanternes bavardes» de Danielle Sauvé, faisant suite aux échafaudages et aux auvents qui occupaient à l’automne 2008 la cour extérieure de GASP, intérioriseront ici son propos sur les notions d’errance et de refuge ; que «l’immense manteau à bec d’oiseau» de Louise Viger, fait de mues et de poussières, donnera l’impression d’avoir l’âme moins grise du fait que quelque 650 petits moutons s’ingénieront à dessiner son ombre à ses pieds.
Mais ce ne sont là que des présomptions.
Gilles Daigneault
1
Maria Magdalena Campos-Pons. Everything Is Separated by Water, Edited by Lisa D. Freiman, Indianapolis Museum of Art, 2007, 183 p.
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The Tongue of Shadows
(take two)
Fall 2008, Gallery Artists Studio Projects, Boston. A small space, but a prestigious one, founded by Maria Magdalena Campos-Pons1, a renowned Cuban artist with an interdisciplinary yet unclassifiable practice, welcomes artists of similar character. Quebec-native sculptor Danielle Sauvé, based in Boston for some time, one day shared with her the ideation of a project… The exhibition The Tongue of Shadows opens September 12th. There is a pamphlet including a statement by the guest curator:
What a wonderful adventure: three sculptors from Quebec, Catherine Bolduc, Danielle Sauvé and Louise Viger, have chosen to present a project together in two cities: in Montreal, where they are well known and highly regarded, and in Boston, where one of them resides and where they all could forge new ground.
Of course, there are risks, but they are calculated. These three artists are equally outstanding. They come from different generations but their work as a whole reveals both maturity and freshness. They are resolutely multidisciplinary and use the most diverse and at times most unexpected materials, which they choose for both their sensuous and poetic effects. At the same time, they are down to earth and not afraid of working with the most mundane materials, altering them with some simple technology to produce an innovative and exciting language.
Thus comes into being “The Tongue of Shadows,” a title evoking the multiple facets of the sculptors’ individual processes: ambiguity and opacity, displacement and disorientation, mirroring and fragility, night and confinement, silence, interpretation and… the physicality of sculpture, among others; and in more luminous directions, balance, magic and transformation, in particular, a whole constellation of meanings that the appropriateness and elegance of the installations create.
As these lines are being written, the three works are still in the development stage and decisions remain to be made before they can be presented effectively: Danielle Sauvé’s trilingual syntagmas and their supports in the form of shelters, Louise Viger’s solemn coat and its improbable shadow, and Catherine Bolduc’s discerning cubes and their inner disorder. And because these artists have the reputation of being unpredictable––which is a virtue––one cannot be sure of anything. This is all the more so because the three projects must coexist and interact while adapting to the configuration of the exhibition space.
Indeed, this is a wonderful adventure.
Verification complete, Danielle Sauvé’s idea was ascertainably a fructuous one. Granted, the GASP gallery space was capricious, but these sculptors are undeniably adaptable. The works were aptly exhibited, each shining individually, while also coalescing for a collective evocation of this ‘Tongue of Shadows’ the artists so relish.
Winter 2010, Joyce Yahouda Gallery, Montreal. The Montreal presentation of The Tongue of Shadows was part of the artists’ initial proposition, and the Director of Joyce Yahouda Gallery immediately accepted to welcome this ‘risky’ exhibition. It must be said that the house had seen many in that category over the years. The works would therefore not feel out of place.
That being said, it is known that the re-exhibition of contemporary art almost always becomes a new adventure for the works. At the moment these lines are being written (once more), one can presume that Catherine Bolduc’s magical volume, in the shape of an IKEA armoire, more lone and less confined than in Boston, will constitute a more enigmatic, more Kafkaian nocturne; that Danielle Sauvé’s ‘loquacious lanterns’, following the awnings and scaffoldings that occupied the backyard of GASP in fall 2008, will now interiorize its discourse about roving and refuge; that Louise Viger’s ‘immense bird beaked coat’ made of molts and dust, will this time give the impression of being less blue, with 650 little lambs ingenuously drawing its shadow at its feet.
Still, these are but presumptions.
Gilles Daigneault
1
Maria Magdalena Campos-Pons. Everything Is Separated by Water, Edited by Lisa D. Freiman, Indianapolis Museum of Art, 2007, 183 p.