De la répétition dans l’excès
Le nouveau Pôle de Gaspé, c’est aussi la galerie Thomas Henry Ross Art Contemporain, qui passe de galerie nomade à fixe

Galerie Thomas Henry Ross Art Contemporain, jusqu’au 12 avril
Après avoir été une galerie nomade, une galerie « pop up » (selon l’expression consacrée) ayant eu trois apparitions momentanées à New York (à l’International Studio Curatorial Program, à Residency Unlimited et à la Radiator Gallery), une à Budapest, mais aussi une autre à Montréal (dans les locaux du Centre B-312), la galerie Thomas Henry Ross Art Contemporain vient de s’installer à Montréal dans un espace fixe. Elle vient en effet d’ouvrir ses portes au 5445, avenue de Gaspé, au local 423, lieu qu’elle partage avec la revue Espace, qui vient elle aussi d’emménager dans ce nouveau pôle de création. Mais Jean-Michel Ross, le directeur de la galerie (qui porte le nom de son jeune fils), n’arrêtera pas pour autant de faire des galeries « pop up ». Il a plusieurs idées à ce sujet pour un proche avenir…
J’en veux plus, toujours plus ! And I Still Want More ! Voilà le titre de l’expo qui inaugure ce nouveau lieu. Elle regroupe 45 oeuvres de 42 artistes dans un espace de 300 pieds carrés, avec un accrochage « un peu salon, mais qui voulait éviter l’aspect foire d’art contemporain ». Le visiteur y verra un travail de galeriste qui ressemble à celui d’un commissaire, une installation presque artistique. Une démarche qui, selon Ross, « permet de garder à la galerie son statut d’espace de recherche ».
Dans ce dispositif très chargé, peut-on saisir un commentaire sur l’attitude du collectionneur contemporain, être insatiable, même quand il manque d’espace ? D’une certaine façon. Au printemps 2012, à la Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce, nous avions déjà pu voir comment Jean-Michel Ross, comme beaucoup d’entre nous, est un collectionneur important. D’ailleurs, dans sa nouvelle galerie, vous retrouverez des oeuvres de sa collection dont plusieurs ne sont pas à vendre. S’agit-il de faire aussi une critique du milieu de l’art, des galeristes et des musées qui, de nos jours, sont totalement boulimiques, toujours prêts à voir plus, à acheter, à montrer, à conserver plus d’oeuvres, et des oeuvres de plus en plus imposantes ?
Pour Ross, il n’était pas question de parler de l’excès uniquement ainsi. Il a choisi « des oeuvres qui parlent de la répétition, des artistes qui souhaitent dépasser certaines limites ». Dans cette exposition, le visiteur retrouvera « une photo de Bernd et Hilla Becher, qui ont photographié toute leur carrière l’architecture industrielle d’une manière très systématique ; une pièce de Mathieu Beauséjour [Tant qu’il y a du noir il y a de l’espoir], artiste qui est souvent revenu sur le monochrome noir, sujet qui est déjà dans l’ordre de la répétition ; une oeuvre qui montre The Gates de Jeanne-Claude et Christo, avec cette abondance de piliers et de tissus ; une image de Dan Graham, tirée de Homes for America, avec 3000 maisons qui s’agglutinent dans un paysage ; un schéma de Mark Lombardi qui trace les liens entre politique et crime organisé » ou parfois entre le monde de l’art et un réseau digne de la mafia… Et il y a aussi des oeuvres d’Andrea Fraser, de Gabor Szilasi, de Marc-Antoine K. Phaneuf…
Par la suite, à la mi-avril, Ross représentera Comment encadrer un paysage hypothétique de Catherine Bolduc, artiste qu’il représente tout comme Jonathan Villeneuve, Itziar Barrio et Kim Waldron.
Collaborateur